Obtenir et observer des cellules « bien vivantes »

Michel OLIVE, lycée du Grand Nouméa

 

 

Au-delà de l’observation classique de cellules buccales ou d’épidermes végétaux, l’observation de cellules à mobilité importante (interne ou d’ensemble) introduit une motivation supplémentaire. Pendant la séance de TP, une projection simultanée sur grand écran à partir d’un ensemble flexcam-microscope de qualité (objectif à immersion indispensable) accompagnera avec profit le travail des élèves sur leur microscope.

 

I/ Une des plus belles observations est celle de la classique feuille d’élodée 

Un impératif, choisir des feuilles jeunes, donc petites, du bourgeon terminal : le plus faible nombre de chloroplastes et l’absence de dépôts divers sur les parois latérales laissent mieux voir les divers organites.

La feuille ne présente que 2 couches de cellules, équivalentes des 2 épidermes d’une feuilles aérienne, et c’est l’épiderme supérieur, aux cellules deux fois plus larges qu’il vaut mieux observer directement, après avoir pris soin de placer la feuille face inférieure en contact avec la lame.

La première photo est très classique. Les parois latérales ne sont pas parfaitement nettes car la mise au point a été intentionnellement faite immédiatement sous la paroi cellulaire en contact avec la lamelle :

 

La même mise au point est conservée pour la photo suivante. On a cadré sur une partie de la cellule centrale de la préparation précédente à un très fort grossissement (x 1000 au microscope + zoom de l’appareil photo) : on voit le noyau, du moins sa moitié plaquée contre la paroi frontale, l’autre moitié étant invisible car plaquée contre la paroi latérale. Chaque chloroplaste montre nettement une dizaine de grana et, si les contraintes de compression de cet article le permettent, on distinguera les mitochondries (les 100 à 200 petits organites gris clair allongés ou ronds, disposés de manière non homogènes dans le hyaloplasme) :

 

 

Les feuilles de l’élodée disponible à Nouméa Egeria densa ?) apparaissent finement dentelées à l’œil nu :  chaque dent correspond à une seule cellule à paroi orangée plus épaisse, avec un noyau (dont le nucléole) souvent bien visible ainsi que le hyaloplasme s’écoulant comme de la gelée. Dans les conditions de faible éclairement d’un labo, la vacuole des cellules périphériques finit par se charger d’un colorant mauve du plus bel effet :

 

 

 

II/ Il est également possible de provoquer des mouvements, tels ceux de la plasmolyse et simultanément du stomate

 

Ci-dessous un épiderme inférieur de fougère coloré au rouge neutre et observé dans une goutte d’eau de mer : l’ostiole s’est refermée. Cette manipulation permet aux élèves de bien assimiler la différence entre paroi et membrane plasmique, respectivement : épaisseur/finesse, rigidité/élasticité, perméabilité totale/partielle. Se sera d’autant mieux approprié la notion de cellule, y compris au niveau de sa structure en 3D, l’élève de seconde qui l’aura examinée sous plusieurs angles et l’aura soumise à des contraintes, à la manière d’un enfant qui s’initie à la technologie en démontant et cassant systématiquement ses jouets. 

 

 

III/ La biodiversité dans une goutte d’eau : une culture âgée d’algues livre souvent de riches observations

Dans un ballon de 500 ml, verser 300 ml d’eau, ajouter de l’engrais liquide NPK complet (= avec oligo-éléments) pour fleurs à 2 fois la dose préconisée sur l’étiquette, ensemencer avec une dizaine de grammes de terre de préférence prélevée sur sol humide et laisser en lumière naturelle près d’une fenêtre pendant un mois.

Si dans un autre ballon on ajoute à cet engrais 5 à 10 ml de lait et un peu de vase de ruisseau ou de mare, on a des chances d’observer également des vorticelles (coloniales dans le film1) et de fantomatiques amibes dont le déplacement lent laisse parfaitement voir fonctionner la vacuole pulsatile.

 

Au bout de 8 à 15 jours, les premiers ciliés sont les petits colpodes et autres colpidium habituels. Laisser la lamelle retomber à plat sur la goutte d’eau de manière à emprisonner quelques grosses bulles d’air : leur répartition autour de la bulle, une fois raréfié le dioxygène dissous dans l’eau recouverte de la lamelle, montre que ces animaux unicellulaires respirent, la respiration se déroule donc au niveau même de la cellule comme le démontrera définitivement  l’ExAO avec la levure : 

       

 

 

Voir aussi le film 2.

 

Au bout d’un mois, il y’a de bonnes chances de pouvoir observer de vraies (donc grandes) paramécies, ainsi que des rotifères, la cyanobactérie coloniale Oscillatoria etc. Dans le cas contraire le laboratoire de SVT du lycée du Grand Nouméa peut fournir un échantillon à fin d’ensemencement (la culture finit par constituer un micro-écosystème en équilibre qui se conserve sans soins particulier près d’une fenêtre pendant très longtemps).

 

En début de TP, déposer sur la lame une goutte « verte » aspirée au fond du ballon.

Si une bulle a été emprisonnée et que la photosynthèse a été stoppée pendant quelques minutes avant d’allumer la lampe du microscope, le même attroupement que ci-dessus s’observe, mais pour des animaux plus gros et variés, en plus des colpodes toujours présents  (paramécies, quelques rotifères, un nématode) : film 3.

 

La lente progression du filament colonial de la cyanobactérie Oscillatoria est fascinante. Ci-dessous deux photos séparées d’une quinzaine de secondes. Le filament, très long, a fait une boucle sur lui-même :

 

La boucle peut se compliquer, ci-dessous 3 images séparées de 20 secondes environ :

 

Parfois cependant le filament est assez court pour contenir dans le champ du grossissement moyen (film 4). Dans le film 5 (objectif à immersion + zoom de la caméra) on voit, notamment grâce aux chlorelles empêtrées dans le filament, que ce dernier tourne sur lui-même quand il « avance » ou « recule ».

Film  6 : dans une boucle d’Oscillatoria se faufilent des paramécies (souplesse de la cellule animale sans le carcan d’une paroi) ou même un rotifère ; qu’une unique cellule comme celle de la paramécie puisse percevoir les obstacles et y répondre aussi finement et vite qu’un métazoaire laisse perplexe…

 

Les paramécies, dans ce milieu pauvre en bactéries, ont phagocyté des chlorelles mais apparemment sans les digérer systématiquement, comme le font les individus de l’espèce Paramecium bursaria, un cas classique de symbiose plus ou moins stable : film 7. On observe à plusieurs reprises la vidange quasi-simultanée des 2 vacuoles pulsatiles. Oscillatoria y change de sens de déplacement puis bute contre un amas de chlorelles et se plie.

Le film 8 met en évidence, grâce à une chlorelle qui y tourbillonne, la fossette qui précède l’entonnoir buccal.

En 9, une (ou déjà 2 ? Voir ci-dessous tous les organites en double) paramécie en télophase :

 

 

 

Au passage rien n’empêche de s’intéresser à quelques métazoaires tels que les nématodes (film non joint pour ne pas alourdir cette publication) et les rotifères : films 6, 10 et 11.

Sur le film 10, on voit les deux yeux rouges du rotifère. Les « castagnettes » situées à l’intérieur, à l’aplomb des yeux, constituent son appareil masticateur (mastax). D’après les fèces évacuées en fin de film, la digestion des cellules chlorophylliennes ingérées est plutôt sommaire.

Le film 11 à grossissement 1000 montre bien le fonctionnement du mastax ainsi que la rapide déglutition à travers l’étroit œsophage que n’empruntent que des algues très petites, euglènes notamment, le reste étant rejeté vivement.

Guère deux à trois fois plus long qu’une paramécie, on imagine la très faible taille de chacune des centaines de cellules de ce rotifère, évoquant une invraisemblable brosse à dents électrique à deux têtes avec option aspirateur qui interpelle fortement les élèves, y compris les plus passifs habituellement.